La Loi Pacte, relative à la croissance et à la transformation des entreprises, promulguée le 22 mai 2019 après que le Conseil Constitutionnel ait validé l’essentiel de ses dispositions, se propose, en plus de 200 articles, de lever les obstacles à la croissance des entreprises à tous les stades de leur existence.
Les dispositions de ce texte qui intéressent le Droit des affaires couvrent des champs aussi divers que la propriété industrielle (il s’agit par exemple d’essayer de renforcer la valeur des titres de propriété industrielle) ; le Droit de la concurrence et de la consommation (les pouvoirs de l’Autorité de la Concurrence et du Ministre de l’économie sont renforcés) ; le Droit des sûretés (le gouvernement est habilité à réformer par voie d’ordonnance le droit des sûretés) ; ou même la circulation des véhicules autonomes !
Mais l’essentiel intéresse directement le Droit des sociétés.
A ce titre, on relèvera notamment une nouvelle réforme des actions de préférence qui, lorsqu’elles sont émises par une société non cotée, pourront être rachetées par la société émettrice à l’initiative de l’actionnaire, mesure destinée à permettre aux investisseurs de négocier avec la société les conditions de rachat de leurs titres lors de leur entrée au capital.
On peut également relever la libéralisation des avances en compte courant puisqu’un associé peut désormais consentir de tels crédits quelle que soit la fraction du capital social qu’il détient.
Signalons enfin la réforme du Commissariat aux comptes dans les SA et les SCA, qui seront désormais dispensées de procéder à leur désignation lorsque certains seuils ne seront pas atteints.
Mais l’essentiel concerne l’apparition de concepts étranges dont il est bien difficile, à ce jour, d’évaluer les conséquences.
C’est notamment le cas de l’article 1833 du Code Civil, texte applicable à l’ensemble des sociétés civiles et commerciales, désormais complété par un alinéa précisant que « la société est gérée dans son intérêt social, en prenant en considération les enjeux sociaux et environnementaux de son activité ».
Inutile selon certains, puisque ce texte ne serait que la reproduction de la jurisprudence et d’un certain nombre de textes récents sur la RSE, approuvé au contraire par d’autres pour qui ce texte pourrait permettre d’arbitrer entre les appétits financiers d’un certain nombre d’actionnaires et de fonds court-termistes et une vision plus stratégique portée par les dirigeants d’entreprises, ce texte porte probablement en lui-même l’émergence d’un nouveau contentieux tant la pensée du législateur manque de clarté tandis que le flou de ces concepts ne peut que générer d’inextricables contestations.
Il est également fait, dans cette loi, référence à des concepts éloignés des préoccupations exclusivement lucratives qui les animent habituellement.
Tel est le cas de l’introduction, dans l’article 1835 du Code Civil, de la « raison d’être ».
S’il s’agit, comme l’indiquent les travaux préparatoires, de ne pas se limiter à une « raison d’avoir », il est bien difficile de discerner exactement le contenu de la raison d’être (heureusement facultative). Certaines sociétés l’ont pourtant déjà fait, et énoncé par exemple que « convaincue que seule une attention sincère portée à l’autre et au monde permet de garantir un réel mieux commun » (MAIF), ou soucieux « d’apporter la santé par l’alimentation au plus grand nombre » (groupe DANONE) et « de rendre aux gens leur souveraineté alimentaire ».
Ainsi pourront être créées des sociétés dites « sociétés de mission », dotées d’une raison d’être et tenues, par leur statut nouveau, de poursuivre des objectifs sociaux et environnementaux, sous le contrôle d’un organe spécifique chargé de suivre l’exécution de cette mission.
On voit ainsi que la société, dont la définition (résultant de l’article 1832 du Code Civil) n’est pas modifiée, est en voie d’évolution. Face aux exigences d’un court-termisme qui appauvrit souvent les entreprises, il était peut-être temps d’insuffler une nouvelle vision du Droit des sociétés, plus générale et sans doute plus en phase avec les exigences sociales actuelles.