La CJUE invalide l’accès illimité aux informations relatives aux bénéficiaires effectifs par le grand public au nom de la vie privée et de la protection des données personnelles
La Directive (UE) 2018/843 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2018 (dite « 5ème Directive anti-blanchiment ») – modifiant la directive (UE) 2015/849 du 20 mai 2015 (4ème Directive) – est venue renforcer les modalités de tenue des registres des bénéficiaires effectifs et a rendu accessibles au public certaines informations relatives aux bénéficiaires effectifs des sociétés (telles que le nom, prénom, mois, année de naissance, pays de résidence et nationalité, la nature et l’étendue des intérêts effectifs qu’ils détiennent dans ladite société ou l’entité).
Cette accessibilité au grand public par l’intermédiaire du registre des bénéficiaires effectifs (RBE) qui pose déjà une difficulté en droit des sociétés au regard du respect de la règle de l’anonymat, caractéristique fondamentale des Sociétés anonymes (SA) ou encore des Sociétés par actions simplifiées (SAS) soulève également en pratique des problématiques au regard du respect de la vie privé et de la protection des données personnelles des bénéficiaires.
L’arrêt du 22 novembre 2022 de la Cour de justice va certainement avoir une incidence sur les informations disponibles concernant les bénéficiaires effectifs dans les différents Etats membres. En effet, la Cour de justice a déclaré invalides au regard du droit au respect de la vie privée et à la protection des données personnelles les dispositions de la 4ème Directive modifiée par la 5ème Directive Anti-blanchiment prévoyant l’accès au grand public des informations sur les bénéficiaires effectifs. Si la Cour relève qu’une telle mesure vise à prévenir le blanchiment de capitaux et le financement de terrorisme, elle n’est ni limitée au strict nécessaire ni proportionnée à l’objectif poursuivi.
Reste à savoir comment cette décision sera accueillie par les organismes des Etats membres gérant les RBE. A la suite de cet arrêt, l’accès au RBE est provisoirement suspendu depuis mardi dernier au Luxembourg, dans l’attente d’une solution en conformité avec l’arrêt. L’arrêt de la CJUE aura sans doute une incidence sur le contenu de la 6ème Directive anti-blanchiment actuellement en pleine négociation devant le Parlement européen et le Conseil européen.
Equipe Droit des sociétés et Equipe Concurrence et Données personnelles : Christel GOMEZ, Aude GUYON, Pauline KLEIN, Florine PIETTE