Au vu de l’actualité du Coronavirus, nous tenions à rappeler les règles d’indemnisation des voyageurs dont le vol ou les séjours sont annulés et préciser les obligations des collectivités qui accordent des aides aux voyageurs.
Le contexte
Depuis la loi de programme pour l’outre-mer n° 2003-660 du 21 juillet 2003, la France s’est dotée d’un cadre juridique pour désenclaver les territoires ultra-marins (Réunion, Guadeloupe, Martinique, Guyane, Mayotte, Saint-Pierre-et-Miquelon, Nouvelle-Calédonie, Polynésie française et Wallis-et-Futuna).
L’Etat a constitué un fonds, aujourd’hui géré par l’établissement public administratif « Agence De l’Outre-mer pour la Mobilité », opérateur de l’État placé sous la tutelle du ministère des Outre-mer et du ministère chargé du budget.
Certaines régions ont décidé d’instaurer des aides régionales à la continuité territoriale pour participer plus activement à la mobilité des publics défavorisés, à l’instar par exemple de la Région Réunion.
Dans ce contexte, l’Etat a décidé, le 29 février de suspendre tous les voyages scolaires à l’étranger et en France, dans les zones identifiées comme des « clusters ».
Quels sont les droits des voyageurs interdits de voyage pour ce motif ? Et quelles sont les éventuelles obligations des collectivités ayant accordé des aides pour effectuer de tels voyages dans l’hypothèse où les bénéficiaires solliciteraient le versement d’une nouvelle aide ?
Quelles sont les conditions de report ou de remboursement des vols ou séjours annulés à cause du Coronavirus ?
L’article L. 211-14 du code du tourisme dispose : « II. Le voyageur a le droit de résoudre le contrat avant le début du voyage ou du séjour sans payer de frais de résolution si des circonstances exceptionnelles et inévitables, survenant au lieu de destination ou à proximité immédiate de celui-ci, ont des conséquences importantes sur l’exécution du contrat ou sur le transport des passagers vers le lieu de destination. Dans ce cas, le voyageur a droit au remboursement intégral des paiements effectués mais pas à un dédommagement supplémentaire ».
Cette disposition permet à un voyageur désirant annuler son voyage compte tenu de la situation sanitaire sur place (circonstances exceptionnelles et inévitables – caractéristiques que revêt a priori le coronavirus en tant que cas de force majeure) d’être remboursé intégralement sous 14 jours.
Toutefois ne sont concernés que les voyages dit « à forfait » qui combinent, comme l’indique l’article L. 211-2 du code du tourisme au moins deux services différents tels que le transport, la location de vacances, une réservation d’hôtel, etc.
Ce dispositif ne concerne pas les voyageurs ayant acheté vol « sec » auprès d’une agence ou d’une compagnie aérienne.
Pour ces derniers, on distinguera deux cas :
– La compagnie aérienne est à l’origine de l’annulation du vol :
Si la compagnie est à l’origine de l’annulation du vol, elle doit en principe le notifier au voyageur qui se voit rembourser l’intégralité du prix des billets, en vertu de l’article L. 211-14 du code du tourisme : « III. L’organisateur ou le détaillant peut résoudre le contrat et rembourser intégralement le voyageur des paiements effectués, mais il n’est pas tenu à une indemnisation supplémentaire, si : (…) 2° L’organisateur ou le détaillant est empêché d’exécuter le contrat en raison de circonstances exceptionnelles et inévitables et notifie la résolution du contrat au voyageur dans les meilleurs délais avant le début du voyage ou du séjour ».
Le voyageur n’a pas le droit, dans cette hypothèse, au bénéfice de « l’indemnité forfaitaire » prévue par le règlement européen n° 261/2004 du 11 février 2004 établissant des règles communes en matière d’indemnisation et d’assistance des passagers en cas de refus d’embarquement et d’annulation ou de retard important d’un vol.
– Le voyageur est à l’origine de l’annulation du vol :
Les voyageurs ayant prévu un séjour dans une zone à risque pourraient vouloir différer ou annuler leur voyage. En principe, le voyageur ne peut pas annuler son billet d’avion, sans frais, si la compagnie aérienne maintient le vol. Il faut alors vérifier si le billet est remboursable ou échangeable.
Si le voyageur a souscrit une assurance annulation, il faut vérifier si le contrat d’assurance couvre le risque d’épidémie. Attention toutefois car dans la plupart des cas, la couverture du risque d’épidémie n’est pas assurée par ces contrats.
Les taxes d’aéroport sont en revanche reversées au voyageur dans cette hypothèse. Il faut bien veiller à obtenir un tel remboursement de la compagnie aérienne.
Notons que certaines compagnies ont d’ores et déjà décidé de permettre à leurs clients de reporter sine die leurs vols à une date ultérieure, ainsi que l’a précisé AIR France.
Les collectivités doivent-elles réattribuer une aide aux voyageurs n’ayant pu prendre leur vol ?
En principe et s’agissant des aides à la continuité territoriale, les collectivités ne sont pas tenues d’octroyer au même bénéficiaire une nouvelle aide au motif que cette personne n’aurait pu accomplir son voyage à cause du coronavirus.
Rappelons que ces aides publiques ont un caractère facultatif (il s’agit de mesures spécifiques s’agissant des aides aux voyages scolaires). Or, les collectivités n’ont aucune responsabilité dans le développement et la propagation de la pandémie mondiale, et ne sont pas à l’origine de la décision prise par l’Etat de suspendre sans limite de temps, les voyages scolaires à l’étranger ou dans les zones de clusters en métropole. Elles ne sont pas non plus à l’origine des décisions d’annulation de vols qui pourront être prises, le cas échéant, par tout ou partie des compagnies desservant les îles.
En outre, les personnes publiques ont l’interdiction de consentir des libéralités. Or, verser deux fois au même bénéficiaire une aide à la continuité territoriale pourrait s’apparenter à une libéralité puisque la collectivité financerait deux fois la même dépense alors même que l’aide versée pour le premier voyage devrait être recouvrée puisque n’ayant pas donné lieu au respect de l’une des conditions du régime d’aide.
Nous recommandons toutefois aux collectivités concernées d’engager sans délai des discussions avec les compagnies aériennes desservant les territoires d’outre-mer pour définir un cadre d’intervention le plus protecteur possible des administrés dont les vols seraient suspendus ou annulés afin de ne pas leur faire perdre le bénéfice de l’aide initialement accordée.
Ludovic MIDOL-MONNET
Avocat associé
Fiducial Legal by Lamy
ludovic.midol.monnet@fiducial-legal.net