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50 | L ’ A C T U A L I T É J U R I D I Q U E 2 0 1 8 P A R F I D U C I A L L E G A L B Y L A M Y prévues par ces dispositions légales, auxquelles aucune autre condition ne peut être ajoutée dans le contrat générateur de la créance ». Cet attendu est riche d’enseignements. Tout d’abord, a priori, il ne s’agit pas là de considé- rer la clause comme inopposable au cédé mais, beaucoup plus radicalement, de la priver totale- ment d’effet. Pour la chambre commerciale, seule la loi est en mesure de régir les effets de la ces- sion, aussi bien à l’égard du cédé que d’autres tiers potentiels. On notera toutefois que la cour n’évoque pas la nullité de la clause litigieuse et n’use pas non plus de la sanction du réputé non écrit, ce qui laisse planer une légère incertitude. On indiquera néanmoins que si la clause devait être considérée comme valable entre les parties, le cédant pourrait voir sa responsabilité engagée pour avoir manqué à son engagement, à condi- tion naturellement qu’il en résulte un préjudice pour le cédé. Ensuite, il convient de souligner qu’il ne s’agissait pas, en l’espèce, d’interdire la cession des créances en cause, mais simplement d’ins- taurer un préavis préalable. La portée de l’arrêt doit alors être parfaitement cernée. Ce qu’entend combattre la Cour de cassation c’est toute clause susceptible d’entraver, de manière plus ou moins directe, la cession. Une question peut alors naître : le principe de libre circulation des créances, qui sous-tend la décision, doit-il être circonscrit au cas des cessions par voie de bordereau Dailly ? Probablement pas. Certes, on pourrait considérer que le mécanisme instauré par les articles L. 313-23 et suivants du Code monétaire et financier, inspiré à certains égards du droit des effets de commerce, postule la libre circulation des créances, une certaine forme d’automaticité et un effacement des considérations personnelles. Un tel mode de fonctionnement serait économiquement justifié, eu égard au rôle joué par la cession de créances professionnelles quant à la distribution de crédits aux entreprises. Mais la cession Dailly ne présente, sur ce terrain, pas de particularités suffisamment fortes pour être seule destinataire de la solution en cause. On note en effet qu’elle n’est pas spé- cifiquement visée par l’article L. 442-6, II, c, du Code de commerce et que, en l’espèce, la clause litigieuse visait tout autant le transfert à une société d’affacturage. Certes, il pourra être objecté que l’affacturage repose généralement sur la subroga- tion personnelle (C. civ., art. 1346-1) , et que si cette technique permet la circulation des créances il n’y a pas là une véritable « cession ». Les deux opérations entretiennent toutefois, au moins au plan économique, une certaine proximité qui justifierait un traitement commun. Et l’on ajoutera que l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 a si bien modernisé la cession de créance de droit commun que celle-ci fait désormais figure d’alternative crédible à la subrogation person- nelle comme support technique de l’affacturage (V. A. Gouëzel, Les opérations translatives : AJ Contrats d’affaires, Concurrence, Distribution, 2016) . Or, si l’article L. 442-6, II, c, du Code de commerce a probablement joué un rôle impor- tant dans la décision prise, on n’imagine guère que la solution puisse, en matière d’affacturage, être appliquée ou non selon que le montage fait appel à la cession de créance ou à la subrogation personnelle. Pour conclure, on soulignera que les restrictions aux différentes formes de mobilisations des créances doivent donc être appréhendées de façon unitaire. Le principe de libre circulation des créances, s’ap- puyant sur des motifs de nature économique, doit ainsi voir son champ d’application étendu quelle que soit la technique utilisée sans que cela remette en cause les limites contenues à l’article L. 442-6, II, c, du Code de commerce quant aux personnes concernées.

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