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48 | L ’ A C T U A L I T É J U R I D I Q U E 2 0 1 8 P A R F I D U C I A L L E G A L B Y L A M Y rence à des textes règlementaires abrogés. Quant à la notification, la difficulté tenait à ce qu’elle n’avait pas été effectuée à domicile élu, contrairement à ce que prévoyait une clause du marché de travaux conclu entre le cédant et le cédé, clause que le cédé entendait opposer au cessionnaire. De façon plus substantielle ensuite, le cédé se prévalait également vis-à-vis du cessionnaire d’une clause du marché de travaux selon laquelle « toute cession à une banque ou à une société de factoring interve- nant et présentée sans le préavis minimal d’un mois sera réputée nulle et non avenue ». Après avoir échoué à convaincre les juges du fond, l’argumentaire développé par le cédé n’a pas connu plus de succès devant la chambre commerciale. Deux enseignements principaux peuvent ainsi être tirés de cet arrêt. D’une part, alors que la cession Dailly est perçue comme une opération empreinte d’un formalisme assez lourd, la cour semble néanmoins vouloir le cantonner dans des limites raisonnables, ce dont on ne peut que se féliciter. D’autre part, en refusant de faire produire effet à la clause convenue entre le cédant et le cédé, elle fait montre d’un certain attachement au principe de libre circulation des créances professionnelles. 1. LE CANTONNEMENT DES EXIGENCES FORMELLES L’article L. 313-23 du Code monétaire et financier, siège essentiel du formalisme présidant à la rédac- tion du bordereau de cession, n’impose, a priori, la présence que de quatre éléments. Il doit en effet comporter la dénomination « acte de cession de créances professionnelles » ou, selon le cas, « acte de nantissement de créances professionnelles » ; « la mention que l’acte est soumis aux dispositions des articles L. 313-23 à L. 313-34 » ; « le nom ou la dénomination sociale de l’établissement de crédit ou de la société de financement bénéficiaire » ; et enfin « la désignation ou l’individualisation des créances cédées ou données en nantissement ou des éléments susceptibles d’effectuer cette dési- gnation ou cette individualisation, notamment par l’indication du débiteur, du lieu de paiement, du montant des créances ou de leur évaluation et, s’il y a lieu, de leur échéance ». En réalité, deux mentions supplémentaires sont requises pour la régularité du bordereau, puisque l’article L. 313-25 impose qu’il soit signé par le cédant et que le ces- sionnaire y appose la date. Le législateur n’a pas pris la peine de préciser la sanction attachée à ces deux exigences supplémentaires (sur les hési- tations à cet égard, V. not. Th. Bonneau, Droit bancaire : LGDJ, coll. Précis Domat, Montchrestien, 12e éd., 2017, n° 776, p. 585 ), mais la jurisprudence considère que le bordereau non daté est privé d’ef- fet (V. not. Cass. com., 7 mars 1995, n° 93-12.257 : JurisData n° 1995-000459 ; RTD com. 1995, p. 632, obs. M. Cabrillac. – Cass. com., 14 juin 2000, n° 96-22.634 : JurisData n° 2000-002449 ; RTD com. 2000, p. 992, obs. M. Cabrillac ; JCP E 2001, p. 1332, obs. J. Stoufflet ), et que l’absence de signa- ture du cédant est une cause de nullité (V. ainsi, Cass. com., 19 mai 2015, n° 13-25.312 et 13-26.586 : JurisData n° 2015-011761 ; RD bancaire et fin. 2016, n° 1, p. 59, obs. C. Houin-Bressand ). Il est fréquemment souligné combien la jurispru- dence se montre ferme quant au respect de ce formalisme. Ainsi, il a été jugé que le bordereau comportant la dénomination « acte de cession de créance de la loi Dailly » et indiquant sa sou- mission à la loi n° 81-1 du 2 janvier 1981 ne valait pas comme acte de cession de créances profes- sionnelles (Cass. com., 11 juill. 2000, n° 97-22.452 : JurisData n° 2000-002904 ; D. 2000, p. 339, obs. A. Lienhard ; RTD com. 2000, p. 992, obs. M. Cabrillac) . En l’espèce toutefois, la chambre com- merciale ne pourra pas être taxée de rigorisme excessif. En effet, l’acte de cession comportait ici des références au décret n° 81-862 du 9 sep- tembre 1981. Or, non seulement le bordereau n’a pas à faire mention des dispositions règlemen- taires applicables, mais, de surcroît, le décret du 9 septembre 1981 a été abrogé en 2005 pour lais- ser place aux articles R. 313-15 à R. 313-18 du Code monétaire et financier. Pour la Cour de cassation, c’est à bon droit que les juges du fond ont retenu que « l’ajout de ces textes règlementaires, fussent- ils abrogés, n’a pas d’incidence sur la validité de la cession ». Les juges du quai de l’Horloge savent donc se montrer pragmatiques quant à l’appré- hension du formalisme de la cession Dailly afin de ne pas sanctionner un acte dont la rédaction ne trompe personne. Ce pragmatisme avait déjà pu être observé en d’autres occasions. Ainsi, la chambre commerciale a pu juger que la désignation du débiteur cédé n’est pas une mention obliga- toire du bordereau, mais seulement l’un des moyens alternatifs susceptibles de permettre aux parties d’effectuer l’identification des créances cédées Alors que la cession Dailly est perçue comme une opération empreinte d’un formalisme assez lourd, la cour semble néanmoins vouloir le cantonner dans des limites raisonnables, ce dont on ne peut que se féliciter. D’autre part, en refusant de faire produire effet à la clause convenue entre le cédant et le cédé, elle fait montre d’un certain attachement au principe de libre circulation des créances professionnelles.
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